actualités

Article AUDAP

28/05/2021
Article pour le blog de l'AUDAP
L’Agence d’urbanisme Atlantique & Pyrénées (AUDAP) est une association loi 1901 créée en 1998. Elle accompagne les collectivités locales dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets et de leurs politiques publiques. L’Agence anime des réflexions prospectives, réalise des diagnostics et des études thématiques (habitat, mobilités, aménagement, économie, environnement…) et participe à l’élaboration des documents d’urbanisme et de planification (SCoT, PLUi, PLH, PDU…).

Article rédigé pour l’Agence d’urbanisme Atlantique & Pyrénées (AUDAP)

https://www.audap.org/?Blog_Forum&post=40

Marc ANCELY a fondé Arbisanat, une entreprise engagée dans le développement durable, créant, développant et coordonnant des programmes de reboisement et de redéploiement de la biodiversité en milieu urbain et péri-urbain selon la méthode du botaniste japonais Akira Miyawaki Sensibilisé très tôt aux enjeux du réchauffement climatique, conseiller en rénovation du bâti ancien et construction durable, il a mis à profit son expérience dans la promotion immobilière pour acquérir de solides compétences en matière d’aménagement urbain paysager respectueux de l'environnement. Son objectif est de créer des espaces multifonctionnels de sensibilisation et de régénération de l’environnement.

La plantation citoyenne d’une forêt urbaine à vocation pédagogique :

La santé de l’humain dépend de la santé de son écosystème. Les bénéfices associés à la présence de nature en ville pour la santé individuelle et collective sont aujourd’hui prouvés. Sensibilisé depuis longtemps aux enjeux du changement climatique, j’ai créé il y a deux ans un projet associatif autour de la plantation d’une première micro-forêt à Pau.
L’idée était de créer un boisement dense et diversifié à vocation pédagogique sur un espace public et d’impliquer les citoyens. La mairie de Pau s’est chargée de la préparation du sol, près de 80 personnes ont participé à la plantation de 750 arbres en 3h, une très belle première expérience ! Aujourd’hui, le rôle de cette forêt urbaine est à la fois social, pédagogique, nourricier, écologique et de résilience.

 

Une méthode de régénération d’un écosystème :

Notre méthode est basée sur l’implantation d’une micro-forêt native à croissance rapide selon l’approche du botaniste japonais Akira Miyawaki, expert en écologie végétale, spécialiste des graines et de la naturalité des forêts. Le principe s’appuie sur la restauration d’une végétation naturelle sur sols dégradés : les friches industrielles, les sols urbains ou péri-urbains en général.

Se référant à la « végétation potentielle naturelle », il a développé, testé et affiné une méthode de génie écologique aujourd'hui connue sous le nom de « méthode Miyawaki » permettant de restaurer des forêts indigènes à partir d’arbres natifs sur des sols sans humus, très dégradés ou déforestés.

La première étape consiste à améliorer les propriétés chimiques du sol, sa structure, sa capacité de rétention d’eau, son état nutritionnel et son activité biologique.
La restauration rapide d’un couvert forestier protégeant et restaurant le sol est ensuite rendue possible par un choix judicieux d’essences pionnières et secondaires autochtones (25 à 30 espèces différentes), mycorhizées et très densément plantées (3 arbres au m²).

Les résultats obtenus montrent que cette méthode, si elle est bien appliquée, produit rapidement une forêt multi-strate et un sol, dont la composition microbiologique est rapidement proche de celle de la forêt primaire normale.
A ce jour, grâce à cette technique, ce sont plus de 40 millions d’arbres qui ont été plantés dans plus de 15 pays dans le monde (Inde, Japon, Pays-Bas...). En France des projets ont déjà été réalisés dans des villes telles que Nantes, Lyon, Marseille, Pau, Paris…

 

La professionnalisation de la démarche :

Cette expérience positive m’a convaincu ! Il fallait professionnaliser la démarche. J’ai ainsi créé la société ARBISANAT afin de devenir un artisan du vivant par l’arbre, une entreprise locale qui permet de développer et coordonner des programmes dont l’objectif écologique passe par le redéploiement de la biodiversité en milieu urbain et péri-urbain.  

Mon parcours professionnel dans la construction, l’aménagement urbain, l’immobilier d’entreprise, ma formation en écoconstruction et ma participation à de nombreux chantiers participatifs, projets culturels et associatifs m’ont orienté naturellement vers ce profil de partenaire privilégié.  
L’objectif étant de mettre mes compétences au service de la transformation écologique, développer ce mouvement citoyen et permettre le financement d’opérations grâce à des fonds publics ou même privés, au travers de la politique RSE des entreprises.  

 

La naissance des écosphères :

Pour donner un volume figuratif à ces lieux appelés à rayonner une logique résiliente, j’utilise le terme d’écosphère, un terme déjà ancien (1958) apparenté à celui d’écosystème.

 A Bidache, un terrain d’apprentissage pluridisciplinaire :

Plan de masse de l'écosphère de Bidache

© Céline Vidal / Architecte paysagiste

Ce projet a débuté avec la volonté de la Principale du collège, Isabelle Labarsouque, de développer un espace pédagogique de plein air, d’éveil écologique. Il s’est inscrit ensuite dans une réflexion avec la commune sur la requalification du centre-bourg. Une modification importante de la zone était déjà en cours avec les projets de construction d’une cantine et d’un parking.

Cet espace pédagogique grandeur nature comporte :

  • Dans l’enceinte du collège, une micro-forêt avec en son sein une agora de verdure : un espace d’enseignement immersif de forme circulaire,
  • Un parcours éducatif ponctué d’hôtels à insectes, différents nichoirs à oiseaux, abris à chauves-souris ou à hérissons, un ensemble de réalisations en atelier par les élèves,
  • Une jachère fleurie d’espèces autochtones, un biotope accueillant pour les coléoptères, les papillons et les insectes en général,
  • Un verger d’arbres fruitiers,
  • Un théâtre de verdure public, entouré d’œuvres de land art, relativement éphémères par essence et renouvelées avec les élèves,
  • Un parcours pédagogique sous un tunnel de verdure et des constructions en saule vivant avec une scénographie dédiée à la biodiversité locale,
  • Une serre citoyenne et participative pour produire localement et à petite échelle des plantes indigènes et devenir un lieu de rencontre et d’échanges de savoirs et de bonnes pratiques,
  • Un pavillon de compostage pour les déchets organiques de la cantine, des commerces et des habitants du quartier,

L’idée est de développer un terrain d’apprentissage pluridisciplinaire, un lieu d’éveil sensoriel, imaginaire, artistique, un espace de développement d’une culture scientifique, un lieu d’imagination et d’expression où les enfants pourront réaliser des études de suivis et des observations avec l’aide de leurs professeurs, naturalistes, associations, animateurs nature ou experts. L’objectif est également de redonner de la place au végétal au centre du village et de fédérer les habitants autour de cette dynamique. Concevoir de nouveaux espaces publics appropriables, porteurs de vie sociale et à même de démultiplier le vivant, les milieux et leurs écosystèmes est essentiel pour améliorer la résilience de nos territoires.

 

Exemple de l’écosphère de Chelitz à Biarritz, un outil multifonctionnel de régénération :

 

Un travail remarquable avait été réalisé en amont par un collectif de citoyens pour sauvegarder cette enclave de verdure en proche centre-ville et lui donner un rôle multifonctionnel, à la fois social, pédagogique, porteur de biodiversité et nourricier. Ce projet en cours en est à définir son organisation de travail et de financement, il a été validé dans les principes et encouragé par la mairie de Biarritz. Il reste à en préciser les contours.

Cet espace sera composé comme à Bidache d’un pavillon de compostage, d’une forêt-école pour les établissements à proximité et d’une serre de quartier. Il sera agrémenté également de :

  • Une mare pédagogique,
  • Une forêt nourricière et comestible ou potager forestier pour une production alimentaire,
  • Une zone de culture (légumes, plantes aromatiques et médicinales, volaille), pour apprendre les principes d’une agriculture régénérative.
  • Un espace multiculturel pour se former, échanger ou méditer avec des cours de yoga.

La forêt-jardin et la zone de maraîchage à proximité de la forêt indigène régénérative permettent de développer un système agricole s’inspirant d’écosystèmes naturels fertiles et capables de se régénérer par eux-mêmes. Il s’agit d’un système reproduisant l’équilibre que l’on retrouve dans la nature.
La philosophie à travers ces écosphères, est de reconnecter l’humain au vivant par la création de lieux permettant l’accès pour tous au savoir environnemental, écologique, scientifique et historique et de donner la possibilité à chacun de s’impliquer dans des actions de restauration du vivant.

 

La création d’un écosystème urbain offrant de nombreux services :

Les systèmes vivants deviennent ainsi source d’inspiration pour l’aménagement urbain. Il est nécessaire de trouver un équilibre multifonctionnel (économie, social, environnement) et de développer cet urbanisme écologique. L’idée est de repenser la ville comme un système plus naturel et plus durable, qui nous offre de nombreux services écosystémiques :

  • Atténuation des effets des îlots de chaleur urbains, rafraîchissement de l’air, régulation thermique,
  • Amélioration de la qualité de l’air,
  • Diminution du bruit, impact positif sur la santé et le bien-être, le lien social,
  • Services de support de la biodiversité et des écosystèmes avec des sols plus nutritifs, plus stables, amélioration des rendements agricoles,
  • Captation des eaux pluviales, régularisation de leurs circulations, approvisionnement et purification, diminution de l’érosion,
  • Séquestration de carbone, production d’oxygène,
  • Production via l’agroforesterie urbaine…

Concevoir la ville avec une approche régénérative en relation avec le vivant, permet de faciliter la régénération des services écosystémiques de soutien, d’approvisionnement et de régulation d’un territoire. Les bienfaits de ces écosphères peuvent se répartir dans les trois piliers du développement durable : l’environnement, l’économie et le social.

 

La prise en compte des services écosystémiques :

Au Canada, on considère l’implantation d’une micro-forêt comme une nouvelle infrastructure urbaine, avec la mise en action progressive de ses différents services.

Cela donne un sens utilitaire à ces solutions basées sur la nature et permet également d’en apporter le financement. En effet, des projets de telle nature peuvent être financés par les entreprises dans le cadre de leur responsabilité sociétale (RSE), leur contribution aux enjeux du développement durable. Pour cela, il est essentiel d’évaluer ces services écosystémiques avec précision.
La prise en compte de la méthode Miyawaki dans le cadre du label bas carbone est à l’étude en France. Des chiffres sont mis en avant aujourd’hui, de croissance 10 fois plus rapide, de biodiversité 100 fois plus importante et de meilleure captation carbone.

Néanmoins, pour obtenir la labélisation de cette méthode innovante, il est nécessaire de l’évaluer scientifiquement et ceci dans notre contexte de climat atlantique propre. Des études de la sorte sont déjà en cours aux Pays-Bas, au Japon, au Portugal et en France.
ARBISANAT travaille actuellement à la labélisation de la méthode grâce à un projet d’étude avec l’ESTIA à Bidart, et projette des partenariats scientifiques avec l’Université de Pau et des Pays de l’Adour, le centre de recherche appliquée dans le bâtiment Nobatek à Anglet, et l’INRAE.

Mesurer les services écosystémiques d’une forêt native, d’une forêt-jardin, d’une écosphère permettra de multiplier ces outils de développement intégrant plusieurs sphères : aménagement urbain, environnement, économie, santé, loisir, éducation, interactions sociales et sécurité alimentaire.

 

Le développement d’un urbanisme régénératif :

La réussite de ces écosphères nécessite de mettre en lien les acteurs, de favoriser les échanges, le partage des ressources, des connaissances et de prendre en compte les enjeux sociaux, économiques et environnementaux du territoire.

Il est impératif de fédérer et d’impliquer des acteurs du monde de l’enseignement et de la recherche, de l’environnement, de l’administration, de la formation et du secteur associatif afin de multiplier ces laboratoires d’expériences autour du vivant. Cette ingénierie écologique urbaine et ce biomimétisme des écosystèmes appliqués à la transition environnementale de nos territoires doivent être développés par l’ensemble des acteurs de la société (collectivités, entreprises, associations et citoyens).
L’agriculture et la ville font face à des défis communs sans précédent de développement durable. Nous devons augmenter les interactions entre les aires rurales, périurbaines et la ville et avoir une approche holistique de l’ensemble. Nous avons un magnifique terrain de jeu dans notre département. De nombreuses initiatives sont déjà en place. Il reste à développer une dynamique vertueuse, des partenariats stratégiques, pour que l’on devienne tous, à notre échelle, des artisans du vivant.

par Marc ANCELY

Retour aux articles